Page:Goncourt - Journal, t7, 1894.djvu/68

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La maison de Daudet, ou plutôt de M. Allard, son beau-père, une grande maison blanche sans caractère, à laquelle sont accolés un tas de petits communs, de réserves, d’appentis de guingois, mis de niveau par deux ou trois marches d’escaliers montants ou descendants ; une maison combinée pour loger trois ou quatre ménages, avec des potées d’enfants. Derrière ces bâtiments, un grand jardin ou plutôt un parc minuscule, dont l’entrée élevée de quatre marches, et s’ouvrant au-dessus d’un parterre, entre une ligne de grands arbres, joue si bien une baie de théâtre, que Daudet, avant de tomber malade, avait eu l’intention d’y jouer une espèce de farce italienne de son invention.

En haut de la maison, le cabinet de Daudet, une toute petite pièce, avec une chaise de paille, devant une petite table, aux pieds comme des échasses, et sur laquelle le myope travaille à son aise. Daudet me parle de ses heureuses soirées, là dedans, avec sa femme, après des journées de travail et de courses désordonnées dans la forêt de Sénart. Longtemps, et avec amour, il m’entretient des sereines soirées conjugales, passées dans cette petite pièce qui a une bonne et grande cheminée, de ces heures après le dîner, où sa femme reprisait les bas de Léon, et où il inventait des contes pour l’enfant tenu sur ses genoux, — puis l’enfant couché, et les travaux de couture abandonnés, le mari et la femme faisaient sur un piano, qui tenait tout l’angle de la chambrette, faisaient de la musique jusqu’au milieu de la nuit.