Page:Goncourt - Journal, t7, 1894.djvu/90

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gendre marseillais, avec du poil jusque dans les yeux, un Marseillais qui a la tête rasée d’un bourreau arabe, dans un tableau d’un élève de l’École de Rome, un Marseillais qui entre comme un ouragan, en criant dans son patois : Fan de brut ! qui, en dépit de son poil noir et de sa bruyance, est le meilleur bon enfant de la terre !

Dimanche 11 octobre. — Retour à Paris. Nous avons pris deux salons-lits. Et Daudet, dans le confort de ce voyage, en attendant l’heure de son chloral, me conte ses marmiteux voyages en diligence du Midi à Paris, dans les temps passés. Et dans la demi-obscurité que nous avons faite, et par le bercement rapide qui nous emporte et qui semble un roulis de la mer, c’est une expansive causerie de Daudet sur les excès de sa jeunesse, causerie coupée de douleurs lancinantes qui, de temps en temps, interrompent sa parole, et lui font terminer ses confidences par ces mots : « qu’il a bien mérité ce qui lui arrive, mais que vraiment il y avait chez lui un instinct irrésistible qui le poussait à abuser de son corps ».

Mardi 13 octobre. — « Ça va mal ! ça va très mal ! » c’est dans ce moment-ci le refrain des éditeurs,