Page:Goncourt - Journal, t8, 1895.djvu/154

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sont indécis, vagues, et laissés volontairement vagues. Il peint l’enrôlement, où on demande à l’enrôlé d’où il est, et où on écrit son lieu de naissance, sans y croire, où on lui demande son nom, et où il donne dix fois sur cent, le nom de Weber ou de Meyer, et où on lui dit : « Non, il y en a trop, tu t’appelleras Martin ou Lafeuille » : enrôlement où l’on n’écoute pas ce que l’enrôlé raconte de sa vie antérieure.

Pauvres diables au passé louche, qui font marché avec la dure existence, la ficelle, la mort, mercenaires aux grands yeux bleus, qui n’ayant plus d’intérêt dans l’existence, se prennent de tendresse comme pour une maîtresse, se prennent de tendresse pour leur élégant capitaine, caracolant sur son petit cheval, une rose à la bouche.

Samedi 5 avril. — Dîner chez Hennique. Un petit intérieur gentiment arrangé, avec de la japonaiserie amusante, et où sont accrochées aux murs quelques esquisses de Chéret, de Forain. Une jolie petite fille, et une charmante belle-sœur, qui a la voix et le rire de sa sœur à s’y méprendre.

Jeudi 10 avril. — Autrefois il y avait un effort chez les pastellistes pour représenter le charme, l’esprit,