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Mardi 7 juillet. — Visite à Robert de Montesquiou.

Un rez-de-chaussée de la rue Franklin, percé de hautes fenêtres, aux petits carreaux du xviie siècle, donnant à la maison un aspect ancien. Un logis tout plein d’un méli-mélo d’objets disparates, de vieux portraits de famille, de meubles Empire, de kakemonos japonais, d’eaux-fortes de Whistler.

Une pièce originale : le cabinet de toilette, au tub fait d’un immense plateau persan, ayant à côté de lui la plus gigantesque bouilloire en cuivre martelé et repoussé de l’Orient : le tout enfermé dans des portières en bâtonnets de verre de couleur. Une pièce où l’hortensia, sans doute un souvenir pieux de la famille pour la reine Hortense, l’hortensia est représenté en toutes les matières, et sous tous les modes de la peinture et du dessin, et au milieu de ce cabinet de toilette, une petite vitrine en glace, laissant apercevoir les nuances tendres d’une centaine de cravates, au-dessous d’une photographie de Larochefoucauld, le gymnaste du cirque Mollier, représenté sous un maillot, faisant valoir ses élégantes formes éphébiques.

Comme j’étais en arrêt devant une eau-forte de Whistler, Montesquiou me dit que Whistler est en train de faire deux portraits de lui : l’un en habit noir avec une fourrure sous le bras, l’autre en grand manteau gris, au col relevé, avec au cou un liséré de cravate, d’une nuance, d’une nuance qu’il ne dit pas, mais dont son œil exprime la couleur idéale.

Et Montesquiou est très intéressant à entendre dé-