Page:Goncourt - Journal, t8, 1895.djvu/263

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velopper la façon de peindre de Whistler, auquel il a donné dix-sept séances, pendant un mois de séjour à Londres. L’esquisse, ce serait chez Whistler, une ruée sur la toile : une ou deux heures de fièvre folle, dont sortirait toute construite dans son enveloppe, la chose… Puis alors des séances, des longues séances, où la plupart du temps, le pinceau approche de la toile, le peintre ne posait pas la touche au bout de son pinceau, et le jetait ce pinceau, et en prenait un autre — et quelquefois en trois heures posait une cinquantaine de touches sur la toile — « chaque touche, selon son expression, enlevant un voile à la couverte de l’esquisse ». Oh ! des séances, où il semblait à Montesquiou, que Whistler, avec la fixité de son attention, lui prenait sa vie, lui pompait quelque chose de son individualité, et à la fin, il se sentait tellement aspiré, qu’il éprouvait comme une contracture de tout son être, et qu’heureusement il avait découvert un certain vin de coca, qui le remettait de ces terribles séances.

Là-dessus, entre la comtesse Greffulhe, et la conversation va à la femme du temps passé, et Montesquiou en parle avec le tact et la grâce d’un descendant d’une vraie vieille famille, rappelant les bandeaux de cheveux bravement gris de sa grand’mère, où des fleurs de sureau s’arrangeaient si bien avec sa vieillesse. Et il conte cette anecdote sur cette grand’mère. Lors d’un mariage d’une de ses belles-filles, elle demande à une autre belle-fille de lui prêter un manteau, avouant, que si près de mourir, elle re-