Page:Goncourt - Journal, t8, 1895.djvu/293

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causer affaires, avec un banquier israélite, un des grands banquiers parisiens. Ce jeune homme qui est un exubérant, dans la chaleur de son exposition, posait la main sur le couvercle d’un sucrier, faisant partie d’un verre d’eau posé sur le bureau du banquier, et emporté par un mouvement oratoire, il l’enlevait en l’air, au bout de sa main. En cet instant, il vit un tel bouleversement sur les traits du banquier, que rappelé au sang-froid, il lui dit : « Oh ! pardon ! » et remit le couvercle sur le sucrier. « Mais la mouche n’y est plus, » lui jeta le banquier, et devant l’incompréhension du jeune homme : « Oui, la mouche que j’y mets, pour que le domestique ne vole pas mon sucre ! » Tout démonté qu’il était, le jeune homme continuait à exposer son affaire dans l’inattention du banquier, dont il voyait les regards se porter rapides, à droite, à gauche, quand tout à coup, dans un ramassement de main, il attrapa une mouche, qui rentra dans le sucrier. Et alors seulement le jeune homme se vit absolument écouté.

Mardi 17 novembre. — Je reçois un singulier article, paru dans la Revue de l’Évolution : un article où M. Dubreuilh comptant les mille premiers mots de Manette Salomon, répartis en sept groupes : Êtres et Choses (substantifs et prénoms), Qualités (adjectifs qualificatifs), Déterminations, Actions, Modifications