Page:Goncourt - Journal, t8, 1895.djvu/42

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peinture à la colle, et j’ai devant les yeux un emmêlement de tuyaux de caoutchouc, au travers desquels j’aperçois l’avant-scène de gauche, et au-dessous cinq ou six têtes de la première banquette de l’orchestre. Je suis là dedans avec le sentiment d’un cœur non douloureux, mais plus gros qu’ailleurs.

Les mots spirituels du premier acte tombent dans un silence de glace, et Antoine me jette : « Nous avons une salle sur la réserve, toute disposée à empoigner n’importe quoi, une phrase quelconque, une perruque d’actrice, une culotte d’acteur ! »

Cette froideur s’accentue au second acte, dans la scène pathétique des deux femmes, pendant l’attaque des Tuileries, et finit sur un maigre claquement de mains.

Des amis viennent me voir et s’exclament : « Oh cette salle, on ne peut s’en faire une idée ! » Et je sens les acteurs nerveux, et j’ai peur qu’Antoine ne joue pas si bien qu’hier. Hennique très indigné s’en retourne, en criant dans les corridors : « Voilà ce que c’est que d’écrire en français ! »

La pièce se relève, est très applaudie au troisième acte.

Au fond, chez moi, une inquiétude de ce relèvement de la pièce, et une crainte de réaction au quatrième acte, de la part de cette salle, qui veut la chute de la pièce, et va sans doute chercher à l’égayer, ne pouvant la siffler. Ça ne manque pas. On rit à des phrases comme celle-ci : « Vous n’êtes pas Suisse », ou à des phrases comme celle-là : « Il