Page:Goncourt - Journal, t8, 1895.djvu/75

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Lundi 1er juillet. — Je suis triste ce soir. J’avais un hérisson, qui depuis deux ans avait fait son domicile de mon jardin, et qui, à la nuit tombante, venait, tous les soirs, manger quelques restes qu’on lui mettait devant le perron. C’était pour moi un plaisir d’entendre le bruissement de sa marche dans les bordures de lierre, puis de voir son déboulement joyeux et gaminant sur le sable des allées, sa promenade hésitante autour de moi, puis son en allée à l’assiette d’os, qu’il suçait avec le bruit d’un cure-dent dans les dents d’un gourmand asthmatique. Ces jours-ci on l’a vu couché au soleil sur le côté, au fond du jardin, puis le soir il est encore venu à la porte de la cuisine, a regardé Pélagie et sa fille, avec son œil éveillé de rat, a laissé au matin, la trace d’un petit lit, qu’il s’était fait dans les feuilles près de la maison, puis à partir de cette nuit, nous n’en avons plus eu de nouvelles.

Mardi 2 juillet. — Ce soir, dîner sur la plate-forme de la tour Eiffel, avec les Charpentier, les Hermant, les Zola, les Dayot.

La montée en ascenseur : la sensation d’un bâtiment qui prend la mer ; mais rien de vertigineux. Là-haut, la perception bien au delà de sa pensée au ras de terre, de la grandeur, de l’étendue, de l’immensité babylonienne de Paris, et sous le soleil couchant, la ville ayant des coins de bâtisses de la