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la sensation de la rentrée en pleine jouissance de la vie.

Jeudi 15 mars. — À mon entrée dans le cabinet des Daudet : « Vous savez, me dit-il, il y a eu une bombe à la Madeleine, je passais en voiture… devant, c’était une foule ! »

Pour la première fois, vient ce soir chez Daudet, Mme Martel, ou plutôt Gyp, à l’élégance brisée du corps, dans une toilette blanche d’un goût tout à fait distingué. Elle parle avec amour des bêtes, de son cheval qui lui écrase les pieds, et auquel elle ne peut s’empêcher de porter tous les jours des morceaux de sucre, des chats qu’elle adore, des chiens, dont son hôtel est une maison de refuge.

Arrive Jean Lorrain qui dit : « Aujourd’hui Pozzi donnait un déjeuner à deux de ses opérés, à Mme Jacquemin et à moi. Aussi, ai-je entendu la bombe, qui a fait le bruit d’un coup de canon, tiré à la cantonade. Et c’était curieux l’aspect de la Madeleine, ça ressemblait, vous savez, à l’acte d’Antigone, où devant le Temple, sont ces gens faisant de grands appels de bras. »

Lorrain est interrompu par Mariéton, qui est entré dans la Madeleine, grâce à la rencontre qu’il a faite à la porte, d’un neveu de Périer. L’église était complètement noire, mais à la lueur d’une allumette qu’il a allumée, il a pu voir le mort, dont la figure