Page:Goncourt - Journal, t9, 1896.djvu/303

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Vendredi 28 décembre. — Mon Dieu, qu’il est vivant, qu’il est bruyant, qu’il est assourdissant ce Mistral ! Il fait à lui seul le bruit de dix Septentrionaux. Mais au fond, il est amusant avec sa parole spirituellement exubérante. C’est aujourd’hui dans sa bouche, et avec la mimique de sa physionomie et de tout son corps, l’histoire d’Adolphe Dumas le poète boiteux, destiné à devenir tailleur, le métier de tous les boiteux de là-bas. Or, dans l’auberge de rouliers tenue par ses parents, tombait, un jour, une troupe de comédiens nomades, et il arrivait qu’à la suite de la représentation dans la grande salle de l’auberge, la fille de l’auberge, une belle fille, séduite par les paillettes du comédien, qui faisait le prince Charmant, décampait avec lui à Marseille, d’où, subitement désenchantée de l’homme, elle se rendait à Paris. Là, en descendant de diligence, elle trouvait, pour ainsi dire, dans la rue, un vieil Anglais, que son histoire intéressait, et qui la mettait quelque temps dans un couvent, pour la dégrossir, puis l’épousait. Aussitôt qu’elle était épousée, elle faisait venir l’apprenti tailleur, pour lequel elle avait une grande affection, lui faisait faire ses études, de rapides études, au bout desquelles il devenait l’homme de lettres, Adolphe Dumas, en relation avec Lamartine, qui par lui, prenait connaissance de Mireille, et écrivait l’article qui faisait Mistral célèbre. Alors — c’est bien de ce temps catholico-romantique — pour remercier Dieu de l’article, Adolphe Dumas faisait communier, en