Page:Goncourt - Journal, t9, 1896.djvu/304

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sa compagnie, et celle de deux autres littérateurs, Mistral à Notre-Dame, après qu’on s’était confessé au Père Félix : communion suivie d’un gueuleton, où l’on se grisait fortement.

« Une rechute religieuse comme ça, moi aussi m’est arrivée, s’écrie Daudet. C’était dans les premiers temps que j’écrivais au Figaro, vers mes dix-sept ans. Je ne sais ce qui m’avait pris, mais voici qu’un jour, je vais trouver le Père Félix, et je lui demande de me confesser, et de me donner l’absolution. Il s’y refusa, m’imposant de lire avant, quatre gros volumes de ses conférences. Ma foi, les volumes étaient bien reliés et, les jours suivants, mon accès religieux étant un peu passé, et ayant faim, je vendais les quatre volumes du Père Félix, ce qui me donnait à manger, deux ou trois jours.

« … Mais, ce n’est pas tout ce que me rapporta, le Père Félix. En 1860 — eh, Mistral je me rendais justement chez toi ! — à Lyon, je me trouve à court d’argent, j’offre à un journal un article sur mes contemporains, et je lui apporte un article, où, dans un portrait du Père Félix, je racontais ma mauvaise action. Ce portrait du Père Félix était accompagné d’un portrait de Rigolboche.

« Quand j’allai toucher mon article, je fus payé, mais le rédacteur me dit que je ferais bien de quitter Lyon, parce que des gens, ayant l’air de méchants garçons, indignés de cet amalgame du Père Félix avec Rigolboche, étaient venus demander mon adresse. »