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Dimanche 5 mai. — Dans l’après-midi, apparaît Villedeuil, ayant à la main, sa grande fille de douze ans, toujours souriante, Villedeuil que je n’ai pas vu depuis des mois. Il s’excuse de n’avoir pas assisté à mon banquet, étant alors au lit, et il me conte qu’on lui a ouvert deux fois le ventre, et quoique l’opération, au dire du chirurgien, ait parfaitement réussi, il attend qu’il soit tout à fait vaillant, pour recommencer. Et comme je lui demande, un moment après, s’il a toujours aussi peu besoin de sommeil qu’autrefois, il laisse échapper qu’il dort moins que jamais, parce que, lorsqu’il se réveille, il pense à l’opération qui l’attend, et est dans l’impossibilité de se rendormir. Alors il saute à bas de son lit, et cherche l’oubli de cette opération, dans le travail, la lecture, la mise de sa pensée, dans quelque chose qui la distrait de son idée fixe.

Puis il cause assez curieusement de la restriction de la dépense chez les gens riches, de la disparition des beaux équipages au bois de Boulogne, qui n’a plus que la voiture de la reine d’Espagne, des loyers de 6 000 francs payés par des millionnaires, etc., etc., — et cela, dit-il, non par avarice, mais par absence de goût de dépense, et il affirme qu’il est besoin d’une cour, dans un pays, pour être le stimulant des grandes dépenses et des folies de luxe.

Mardi 7 mai. — Il vient de mourir, ces temps-ci,