Page:Goncourt - Les Frères Zemganno, 1879.djvu/193

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une fillette, un paletot sur leurs maillots de travail, se tenir en équilibre sur des boules, tandis que, tout contre eux, un tigre royal, un tigre à la santé colère, ennuyé de ce voisinage de chair fraîche, et du remuement incessant des boules autour de lui, se dressait, de temps en temps, tout debout contre les barreaux de sa cage, jetant au dehors un souffle, qui était comme un sifflant jet de vapeur. Ils traversaient les écuries piétinantes, endormies dans l’ombre, débouchaient dans le Cirque éclairé, en plein midi, du jour squalide des endroits construits pour être seulement lumineux la nuit, et où, dans une lumière qui avait à la fois le trouble d’un coup de soleil sous l’eau et l’azur froid d’un corridor de glacier, assis autour d’une table, dans l’arène vide, cinq ou six hommes en casquettes et en vareuses, répétaient une pantomime, une pantomime prenant un caractère singulier de la réalité triviale de ses acteurs, de leur gaieté sans écho, au milieu de la pénombre fantomatique de la grande salle solitaire.