Page:Goncourt - Les Frères Zemganno, 1879.djvu/205

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Les deux frères, eux, tout illettrés qu’ils étaient, avaient hérité de la nature rêveuse, contemplative, et je dirai, littéraire des classes inférieures des populations demeurées encore sauvages et incultes au milieu de cette Europe, maintenant si riche en maîtres d’école ; et de fréquentes fois, s’envolaient de ces deux hommes du peuple, ces lyriques recueillements de l’âme, avec lesquels le plus misérable et le plus ignare tsigane fabrique les variations, que son violon joue aux cimes des arbres, aux étoiles de la nuit, aux matins d’argent, aux midis d’or.

Tous deux ouverts à ce langage magnétique des choses de la nature, qui, pendant la nuit et le jour, parlent, muettement, aux organisations raffinées, aux intelligences d’élection, étaient cependant tout différents.

Chez l’aîné les dispositions réflectives et les tendances songeuses de son être surexcité par une singulière activité cérébrale, appartenaient tout entières dans sa profession de