Page:Goncourt - Les Frères Zemganno, 1879.djvu/79

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au bord d’une source, la paille ébouriffée de ses paniers ouverts sur l’impériale, et des chaussettes qui sèchent sur les roues ; la maison dételée le soir et mettant la lumière de sa petite lucarne dans l’ombre noire des solitudes inhabitées, c’est là la Maringotte, l’habitation roulante où le saltimbanque naît, vit et meurt, et où entrent successivement l’accoucheuse et le fossoyeur : le mouvant domicile en planches, pour lequel les habitants se prennent de l’amour du marin pour son navire.

Et les gens de la Maringotte n’eussent voulu à aucun prix demeurer ailleurs, tant ils sentaient bien qu’ils ne pouvaient trouver que là dedans, le doux cahotement des songeries sommeillantes de l’après-midi, la tentation et la facilité des montées de côtes, que « vous disent » à de certaines heures du jour, et le réveil étonné du matin en des lieux entrevus pour la première fois dans le crépuscule de la veille. Eh quoi ! si le soleil brillait, la voiture ne suffisait-elle pas avec la marge des