Page:Goncourt - Madame Gervaisais, 1869.djvu/261

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se ne lui suffisait plus. Elle voulait éviter jusqu’à la vue du monde, ses rencontres, ses connaissances. Le contact de la vie des autres était devenu blessant pour ses pensées endolories, ses souffrances avivées, et elle s’enfonçait chaque jour dans un goût plus sauvage d’isolement et d’éloignement des vivants. Elle se faisait maintenant promener aux extrémités de la ville immense, entre ces remparts de grands jardins, de vignes et d’anciens casins de Cardinaux, percés de jours à croisillons ; autour de ces basiliques lointaines et égarées au vide des faubourgs ; sur des places où sèchent aux arbres les haillons laineux de la misère romaine ; le long de ces grands bouts de rue qui vont toujours sans finir, et dont la bâtisse s’ouvre tout à coup sur un champ, des tertres de folle avoine : des coins incultes et perdus où grimpent sur des ruines de thermes des pruniers et des chèvres, sans que rien n’y avertisse plus de la Cité sainte qu’une coupole dans le ciel. Elle se faisait traîner, des heures entières, par des routes