Page:Goncourt - Madame Gervaisais, 1869.djvu/270

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Près de Mme Gervaisais, à ce moment, arriva un bel Italien, un chanteur, un ténor échauffé, animé des bravos et du succès de son air, gonflé, respirant à pleine poitrine, s’éventant de son mouchoir. Il s’accouda à la fenêtre où elle était, lui frôlant presque le bras, et avec la familiarité de l’acteur et du musicien, la figure retournée vers elle, il lui lança, comme à une personne de connaissance, l’admiration de la nuit et du bois. Il ne l’avait qu’involontairement touchée, si peu qu’elle ne s’en était pas aperçue ; il ne lui avait pas adressé la parole, et cependant Mme Gervaisais se retira brusquement, avec le mouvement d’une femme à demi insultée, enleva son fils au milieu d’un morceau, et disparut.

Elle avait eu comme l’hallucination d’une déclaration d’amour, d’une offense approchée d’elle. Cette idée s’enfonçait et germait en elle, sans que rien pût expliquer ces singulières alarmes de l’honnêteté et de la conscience chez une femme d’une si entière pureté, d’un si austère veuvage de