Page:Goncourt - Madame Gervaisais, 1869.djvu/36

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et de s’en débarrasser ainsi. Puis, repensant à ce que cette fille avait été pour elle dans sa maladie, à ce qu’elle lui devait d’une autre reconnaissance, elle rougit presque d’avoir eu l’idée de faire à cette malheureuse un crime d’une erreur de la justice. Elle demanda des renseignements au Président du Tribunal, un ami de son mari, qui avait dirigé les débats de l’affaire : l’innocence d’Honorine ne pouvait faire un doute. Là-dessus, la femme de chambre était restée au service de madame Gervaisais, reconnaissante à sa maîtresse de lui avoir été meilleure que la vie, de l’espèce de courage qu’elle avait mis à la garder, au mépris de l’opinion ; heureuse dans la maison, mais conservant du soupçon, de l’injustice qui avait pesé sur elle, un fond d’amertume contre le monde entier. Elle n’avait jamais pu oublier. Et il lui revenait à tout moment comme les crises d’un cœur brisé qui éclatait en accès nerveux de passion étouffée pareils à celui de ce jour. Elle croyait qu’elle avait laissé de l’honneur de son honnêteté sur le banc du tribunal.