Page:Goncourt - Madame Gervaisais, 1869.djvu/61

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faire jusqu’au dîner. Heures de bonheur de la petite, blanche et rose, loin du soleil qui l’appelait sur la porte, disparue entre les noirs et éternels liseurs de gazettes, enfoncée et perdue dans la lecture céleste d’un innocent bouquin du vieux fond. Ses seules poupées avaient été cela : les livres de ce cabinet de lecture.

Chez la jeune fille, la musique et la peinture étaient venues s’ajouter à la lecture pour remplir le temps solitaire d’une existence ignorant le monde et déjà toute intérieure.

Ainsi grandie, élevée sous l’âme sévère de son père, dans un air stoïque et à l’écho presque antique des souvenirs qu’apportaient tous les soirs au foyer de vieux amis politiques, camarades des mêmes destins ; ayant eu autour d’elle, dès sa première jeunesse, la leçon de mâles idées et de libres principes, le bruit des systèmes du dix-huitième siècle agités dans la maison, ― son esprit, en se formant, avait passé du frivole plaisir et du creux passe-