Page:Goncourt - Quelques créatures de ce temps, 1878.djvu/112

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nité sans entrailles, de cette intuition un peu obtuse du sentiment de l’honneur en l’attente du frein religieux, toutes ces maladies de l’esprit analysées à la loupe, et impartialement rapportées, donnent à Suzanne l’intérêt d’une dissection sur le vif. Quand M. d’Hautberchamp viendra lui demander raison, Lareynie ne rougira pas d’avouer qu’il a peur. Il ne tournera pas sa lâcheté en paradoxe nouveau : il jouera une merveilleuse scène de Tartuffe couard. Quand Lareynie a fait que mademoiselle des Ilets l’aime, il faut voir jusqu’au bout l’agonie de cette malheureuse, tuée à coups d’épingle, et les jalousies sans amour de Lareynie et les froides insultes. Il y a dans ce caractère un venin d’envie, un ragoût d’hypocrisie et de cruauté. Puis mademoiselle des Ilets martyrisée longuement, sciemment, impitoyablement, une fois morte de par lui, lorsqu’une révolution soudaine s’est faite en ce Lareynie, lorsqu’il s’est jeté à la religion, quand toute cette mauvaise instinctivité, toute cette méchante vie, ce méchant cœur, et ce cabotinage, il les a eu cachés sous une soutane, même chrétien, Lareynie ne s’humilie pas.