Page:Goncourt - Quelques créatures de ce temps, 1878.djvu/136

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l'un des hommes les plus heureux de Paris.

Bénédict n'avait pas payé son terme. L'ami le recueillit chez lui généreusement; mais quand l'album de Bénédict eut défilé, et que Bénédict un peu découragé trouva moins, l'ami dit à Bénédict qu'il était obligé de manger dans sa famille; de façon que Bénédict se vit menacé de perdre l'habitude de dîner.

Bénédict était comme le Centurion de la pièce espagnole: il aurait pu sauter trois fois sans qu'un maravédis tombât de sa poche. Il se ressouvint qu'il avait prêté. Il se mit à faire tous les jours la battue des obligés, arrachant ce qu'on lui devait, tantôt quarante sous, tantôt cent sous, et subsistant ainsi. Mais l'alarme donnée de proche en proche sur ce créancier qui demandait l'aumône, on évita Bénédict.

A Noël, Bénédict réveillonna rue de Laval, dans un atelier où l'avait conduit Ernest, et gagna 3 francs au lansquenet. Le lendemain, avec ses 3 francs, Bénédict fit monter un sac de pommes de terre chez son ami. Il s'agissait d'attendre le jour de l'an, où la tante de Bénédict lui donnait 40 francs d'étrennes. Il at