Page:Goncourt - Quelques créatures de ce temps, 1878.djvu/137

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tendait ainsi, se couchant quand il eut trop faim, la nouvelle année.

Au commencement de janvier, Bénédict alla rendre visite à l'atelier de la rue de Laval. Il y resta dix-huit mois.

C'était, en cet atelier, le phalanstère le plus étrange qu'on puisse voir. Ils étaient là, cinq qui campaient, tous jeunes, et d'une confiance effrontée en la Providence. Édouard et Paul étaient peintres; Maxence attendait pour savoir ce qu'il serait, et Alfred faisait les commissions.--Bénédict habitait, comme je vous ai dit, un divan vert au-dessous d'une panoplie. Paul logeait sur quatre planches et un matelas. Maxence et Édouard couchaient dans quelque chose que l'on appelait un lit, et Alfred faisait en sorte de dormir sur les quatre oreillers du divan de Bénédict rangés sur un grand coffre à bois. Tous les matins, il faisait faim à l'atelier. Avant déjeuner, Maxence préparait les terrains d'un panneau; Édouard, pendant ce temps, sabrait le ciel; et quand ils avaient fini, Paul en imaginait le motif à toute brosse. Le panneau fini, Alfred le descendait chez le propriétaire,