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OBLOMOFF.

rait à haute voix : un silence de mort serait la seule réponse ; dans quelque rare habitation, il entendrait un gémissement maladif ou la toux sourde d’une vieille achevant sa vie sur le poêle ; il verrait sortir de derrière une cloison un enfant de trois ans, nu-pieds, à longs cheveux, en chemise ; l’enfant regarderait sans mot dire celui qui vient d’entrer et se cacherait de nouveau tout effaré.

Le même profond silence, la même paix s’étendent sur les champs ; seulement, çà et là, pareil à une fourmi, travaille dans le sillon noir, sous le chaud soleil, le cultivateur, la main à la charrue et le front trempé de sueur.

La paix et la quiétude inaltérable règnent aussi dans les mœurs des gens de ce pays. Là on n’entendit jamais parler ni de vol, ni d’assassinat, ni de brigandage : ni violentes passions, ni entreprises téméraires n’ont troublé les âmes. Et quelles passions et quelles entreprises auraient pu les troubler ? Chacun ne connaissait que soi-même.

Les habitants de cette contrée demeuraient assez loin des autres hommes. Les villages les plus rapprochés et la ville de district étaient à vingt-cinq et trente verstes de distance.

À une époque déterminée, les villageois transportaient le blé au port le plus voisin, sur le Volga, qui était leur Colchide et leurs colonnes d’Hercule, et,