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de l’université ; il entra plus tard au service de l’État et y resta longtemps.

Ajoutons, pour acheter sa courte biographie, qu’il a fait autour du monde, sur la frégate la Pallas, un voyage qu’il a raconté en un style excellent où la nature est décrite avec une rare magnificence.

Il avait trente-quatre ans lorsque vers 1846 il aborda la littérature. Dans son premier roman, intitulé Une histoire ordinaire, il mit en scène un rêveur qui, en regrettant sa jeunesse perdue, vit dans les nuages et se repaît de chimères. Il y dépeignit la profonde langueur, intellectuelle et morale, où le règne de Nicolas avait plongé la Russie.

On se ferait difficilement une idée de ce que souffrait alors cette grande nation. Tandis que le peuple chantait sa tristesse dans des chants mélancoliques, la pensée des écrivains était étouffée sous le bâillon du silence, ou rampait sous le joug du despotisme.

« Quand on regardait autour de soi, dit Tourguéneff dans ses Souvenirs de Biélinsky, on voyait la vénalité en pleine vogue, le servage peser sur le peuple comme un rocher, les casernes se dresser partout ; il n’y avait pas de justice, on parlait de fermer les universités, les voyages à l’étranger étaient impossibles, on ne pouvait faire venir un livre sérieux ; un sombre nuage pesait sur ce qu’on appelait alors l’administration des lettres et des sciences, la dénonciation se