Page:Gorki - La Mère, 1945.djvu/114

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bas. Sans doute, ce n’était pas la première fois qu’ils étaient là ; ils se connaissaient entre eux. La conversation se traînait lentement, à voix basse.

— Vous savez ? disait une grosse femme au visage flétri, avec une valise sur les genoux, ce matin à la première messe, le maître de chapelle de la cathédrale a de nouveau presque arraché une oreille à un enfant de chœur.

Un individu d’âge mur, vêtu d’un uniforme de soldat, retraité, toussa avec bruit et répliqua :

— Ces enfants de chœur sont de tels polissons !…

Un petit bonhomme chauve, aux jambes courtes, aux longs bras, à la mâchoire proéminente, arpentait la pièce d’un air affairé. Sans s’arrêter, il disait d’une voix inquiète :

— La vie devient plus chère, c’est pourquoi les hommes sont pires que jamais… Le bœuf de seconde qualité coûte quatorze kopeks la livre, le pain deux kopeks et demi…

Parfois entraient des prisonniers vêtus de gris et chaussés de gros souliers de cuir. Quand ils pénétraient dans la pièce à demi obscure, leurs yeux papillotaient. L’un d’eux avait des chaînes au pied.

Il semblait que les visiteurs étaient habitués depuis longtemps à ce spectacle, qu’ils s’étaient résignés à la situation ; les uns restaient assis, les autres montaient la garde, d’autres encore s’adressaient aux prisonniers d’un ton de lassitude. Le cœur de la mère tremblait d’impatience ; elle regardait avec perplexité tout ce qui l’entourait, et la pénible simplicité de la vie l’étonnait.

À côté d’elle se trouvait une petite vieille aux joues ridées et aux yeux jaunes. Elle prêtait l’oreille à la conversation, tendait son cou mince et dévisageait tout le monde d’un air étrangement irascible.

— Qui avez-vous ici ? lui demanda doucement la mère.

— Mon fils, un étudiant ! répondit la vieille d’une voix sonore. Et vous ?

— Mon enfant aussi, un ouvrier.

— Comment s’appelle-t-il ?

— Vlassov.

— Je ne le connais pas. Il est là depuis longtemps ?

— Sept semaines…