Page:Gorki - La Mère, 1945.djvu/164

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— Je t’apprendrai à distinguer les caractères d’imprimerie et tu seras un de nos compositeurs, veux-tu ?

Vessoftchikov s’approcha de lui en disant :

— Si tu me l’apprends, je te donnerai un couteau…

— Va-t-en au diable avec ton couteau ! cria le Petit-Russien.

— Un bon couteau ! insista le grêlé.

André et Pavel se mirent à rire. Vessoftchikov s’arrêta au milieu de la pièce et demanda :

— C’est de moi que vous vous moquez ?

— Mais oui ! s’écria le Petit-Russien en sautant à bas de son lit… Si nous allions nous promener dans les champs ?… la nuit est belle… la lune brille… Venez-vous ?

— Oui, dit Pavel.

— Et moi aussi ! déclara le jeune homme. J’aime t’entendre rire, Petit-Russien !

— Et moi j’aime quand tu me promets des cadeaux, ajouta André en souriant.

Pendant qu’il s’habillait, la mère marmotta :

— Habille-toi plus chaudement.

Lorsque les trois camarades furent sortis, elle les suivit du regard, jeta un coup d’œil sur les images saintes et dit à voix basse :

— Seigneur ! viens-leur en aide !…


XXVII


…Les jours s’envolaient les uns après les autres avec une rapidité qui empêchait la mère de penser au Premier Mai. La nuit seulement, lorsqu’elle se reposait, fatiguée des tracas bruyants et troublants de la journée, son cœur se serrait, et elle se disait :

— Si seulement c’était déjà passé !

À l’aurore, la sirène de la fabrique rugissait. Pavel et André prenaient leur thé à la hâte, mangeaient un morceau en donnant à la mère une foule de petites commissions. Et toute la journée, elle tournait comme un écureuil en cage ; elle faisait le dîner, préparait de la colle et une sorte de gelée violette pour l’impression des proclamations ; il venait des gens qui lui remettaient