Page:Gorki - La Mère, 1945.djvu/17

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dans sa main, les morceaux de glace se heurtaient contre le métal. Puis, après avoir posé l’ustensile sur la table, Pélaguée se mit à genoux devant les saintes images et pria silencieusement. Les vitres des fenêtres tremblaient sous les ondes sonores de la vie obscure et ivre du dehors. Dans les ténèbres et l’humidité d’une nuit d’automne, un accordéon grinçait ; quelqu’un chantait à pleine voix ; on entendait des paroles viles et obscènes ; des voix de femmes résonnaient, alarmées ou irritées.


Dans le petit logis des Vlassov, la vie s’écoulait uniforme, mais plus calme et paisible qu’auparavant, différant ainsi de l’existence générale au faubourg. La maison était située à l’extrémité de la grand-rue, au sommet d’une courte descente très rapide, au bas de laquelle se trouvait un marais.

La cuisine occupait le tiers de la demeure ; une mince cloison qui n’arrivait pas jusqu’au plafond la séparait d’une petite chambre où couchait la mère. Le reste formait une pièce carrée, à deux fenêtres ; dans un angle, le lit de Pavel, dans l’autre, deux bancs et une table. Quelques chaises, une commode où l’on serrait le linge, une petite glace, une malle à habits, une horloge et deux images saintes, c’était tout.

Pavel essayait de vivre comme les autres. Il faisait tout ce qui convient à un jeune homme ; il s’acheta un accordéon, une chemise à plastron empesé, une cravate voyante, des caoutchoucs et une canne. En apparence, il ressemblait à tous les adolescents de son âge. Il allait à des soirées, apprenait à danser le quadrille et la polka ; le dimanche, il rentrait ivre. Le lendemain matin, il avait mal à la tête, la fièvre le consumait, son visage était blême et abattu.

Un jour, sa mère lui demanda :

— Eh bien, tu t’es amusé hier soir ?

Il répondit avec une sombre irritation :

— Je me suis ennuyé atrocement ! Mes camarades sont tous comme des machines… J’aime mieux aller à la pêche ou m’acheter un fusil.

Il travaillait avec zèle ; jamais il n’était mis à