— Quand le moment de se battre est venu, on n’a pas le temps de se panser la main ! répliqua sourdement Vessoftchikov.
— En outre, on nous cassera les os, et avant la bataille encore ! s’écria gaiement le Petit-Russien.
Il était déjà passé minuit quand le cercle se dispersa. Le jeune homme roux et Vessoftchikov partirent les premiers, ce qui ne plut pas à sa mère…
— Voyez-vous comme ils sont pressés ! pensa-t-elle en les saluant.
— Vous m’accompagnez, André ? demanda Natacha.
— Comment donc ! répliqua le Petit-Russien.
Pendant que Natacha s’habillait dans la cuisine, la mère lui dit :
— Vous avez des bas bien minces pour un temps pareil ! Si vous le permettez, je vous en tricoterai une paire en laine.
— Merci, Pélaguée Nilovna ; les bas de laine, ça chatouille ! répondit la jeune fille en riant.
— Je vous en ferai qui ne vous chatouilleront pas ! dit la mère.
Natacha la considéra en clignant un peu ; et ce regard fixe embarrassa la mère.
— Excusez ma bêtise… c’est de bon cœur !… ajouta-t-elle à voix basse.
— Comme vous êtes bonne ! répliqua Natacha, à mi-voix aussi, en lui serrant la main.
— Bonsoir, petite mère ! dit le Petit-Russien en la regardant en face ; et il sortit en se baissant, à la suite de Natacha.
La mère jeta un coup d’œil vers son fils ; debout sur le seuil de la chambre, il souriait :
— Pourquoi ris-tu ? demanda-t-elle avec confusion.
— Comme ça… je suis content !
— Je suis vieille et bête… je le sais… mais je comprends quand même ce qui est bien ! fit-elle, vexée.
— Et vous avez raison ! répliqua-t-il en secouant la tête. Allez vous coucher… c’est le moment…
— Et pour toi aussi… Je vais tout de suite au lit…
Elle tournait autour de la table tout en enlevant la vaisselle ; elle était heureuse : tout s’était bien passé et terminé en paix.
— Tu as eu une bonne idée, mon fils, dit-elle, ce sont