Page:Gorki - La Mère, 1945.djvu/355

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— Mes enfants ! qu’allez-vous devenir maintenant ?

Ce que son fils avait dit n’était pas nouveau pour elle ; elle connaissait ses opinions ; mais c’était là, devant le tribunal, qu’elle avait éprouvé pour la première fois la force entraînante et étrange de ses théories. Le calme du jeune homme la frappait ; dans sa poitrine, le discours de Pavel se mêlait à la conviction ferme de la victoire et du bon droit de son fils, qui rayonnait en elle comme une étoile.


XXV


Elle pensait que les juges allaient se mettre à discuter durement avec lui, à lui répliquer avec colère, à exposer leurs arguments.

Mais voici qu’André se leva, il jeta un coup d’œil en dessous sur le tribunal et commença :

— Messieurs les défenseurs…

— C’est le tribunal qui est devant vous, et non pas la défense ! lui cria le juge malade, d’une voix forte et irritée.

La mère voyait d’après la physionomie d’André qu’il voulait plaisanter ; sa moustache tremblait ; il avait dans les yeux une expression féline et douce qu’elle connaissait bien. Il se frotta vigoureusement la tête de ses longues mains et poussa un soupir…

— Est-ce possible ? demanda-t-il en hochant la tête. Je croyais que ce n’était pas vrai, que vous étiez non pas des juges, mais seulement des défenseurs…

— Je vous prie de parler du fond de l’affaire ! fit le petit vieillard avec sécheresse.

— Du fond ? Bien. Je veux donc croire que vous êtes réellement des juges, c’est-à-dire des gens indépendants, loyaux…

— Le tribunal n’a pas besoin de votre opinion…

— Comment, il n’a pas besoin d’un pareil éloge ?… Hum !… Néanmoins, je continuerai… Vous êtes des hommes qui ne font aucune différence entre les amis et les ennemis, vous êtes des êtres libres. Ainsi, vous avez maintenant devant vous deux partis ; l’un se plaint