Page:Gorki - La Mère, 1945.djvu/356

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d’avoir été pillé et battu, l’autre répond qu’il a le droit de piller et de battre, puisqu’il a un fusil…

— Avez-vous quelque chose à dire à propos de l’affaire ? demanda le petit vieillard en élevant la voix, et la main tremblante.

La mère était contente de voir cette irritation. Mais la manière d’agir d’André ne lui plaisait pas, elle ne s’accordait pas avec le discours de Pavel. Pélaguée aurait voulu qu’une discussion sérieuse et grave s’engageât.

Le Petit-Russien regarda le vieillard sans répondre, puis il dit gravement :

— De l’affaire ?… Pourquoi vous en parlerais-je ? Mon camarade vous a dit ce que vous deviez savoir. Le reste, d’autres vous le diront, quand le moment sera venu…

Le petit vieillard se souleva de son siège et déclara :

— Je vous retire la parole !… Grégoire Samoïlov…

Les lèvres serrées avec force, le Petit-Russien se laissa paresseusement tomber sur le banc ; à côté de lui, Samoïlov se leva en secouant ses boucles…

— Le procureur a dit que nous étions des sauvages, des ennemis du progrès…

— Ne parlez que de ce qui a trait à votre affaire !

— Mais c’est ce que je fais… Il n’y a rien dont les honnêtes gens doivent se désintéresser… Et je vous prie de ne pas m’interrompre… Je vous le demande ; quel est donc le degré de votre culture ?

— Nous ne sommes pas ici pour discuter avec vous ! Revenons à l’affaire ! dit le vieillard en montrant les dents.

Les plaisanteries d’André avaient visiblement agacé les juges et comme effacé quelque chose en eux. Sur leurs visages gris, des taches rouges apparaissaient et des étincelles froides et vertes brillaient dans leurs yeux. Le discours de Pavel les avait irrités, mais son ton énergique avait réprimé leur colère et forcé leur respect. Le Petit-Russien avait anéanti cette retenue et mis à nu sans effort ce qu’elle dissimulait. Les traits crispés, ils chuchotaient entre eux ; leurs gestes devenaient plus précipités et trahissaient leur rage.

— Vous élevez des espions, vous pervertissez les femmes et les jeunes filles, vous placez l’homme dans