Page:Gorki - La Mère, 1945.djvu/367

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c’est d’augmenter son énergie, de lui donner tout le bonheur qu’il est en mon pouvoir de lui donner, beaucoup de bonheur ! Je l’aime beaucoup… et lui m’aime, je le sais ! Nous échangerons nos sentiments, nous nous enrichirons mutuellement autant que nous le pourrons ; et s’il le faut, nous nous quitterons en bons amis…

Avec un sourire heureux, la mère dit lentement :

― J’irai vous rejoindre… peut-être m’exilera-t-on aussi…

Longtemps, les deux femmes étroitement enlacées et sans parler songèrent à celui qu’elles aimaient… Le silence, la tristesse, une douceur tiède les enveloppaient…

Nicolas arriva, fatigué.

― Sachenka, allez-vous-en, avant qu’il soit trop tard ! dit-il rapidement en se dévêtant. Depuis ce matin, deux espions me suivent si ouvertement que cela sent l’arrestation… j’ai un pressentiment… Un malheur doit être arrivé quelque part… À propos, voilà le discours de Pavel… on a décidé de l’imprimer… Portez-le à Lioudmila, suppliez-la de le composer le plus vite possible… Pavel a très bien parlé, mère !… Prenez garde aux espions, Sachenka ! Attendez, emportez aussi ces papiers… donnez-les au docteur, par exemple…

Tout en parlant, il frottait avec vigueur l’une contre l’autre ses mains glacées ; puis, s’approchant de la table, il ouvrit les tiroirs d’où il sortit les documents ; à la hâte, il les feuilleta, déchira les uns, empila les autres, tout soucieux et ébouriffé.

― Il n’y a pourtant pas longtemps que j’ai trié tout cela et voyez quel énorme paquet j’ai de nouveau ! Diable ! Mère, il vaudrait peut-être mieux que vous ne couchiez pas ici, qu’en pensez-vous ? Il est assez ennuyeux d’assister à cette comédie, les gendarmes sont capables de vous emmener aussi… et il faut absolument que vous alliez à la campagne pour répandre le discours de Pavel…

― Allons donc, pourquoi m’arrêterait-on ? dit la mère. Et peut-être vous trompez-vous, ils ne viendront pas…

Nicolas répliqua avec assurance en agitant la main :

― J’ai le flair pour cela… De plus, vous pourriez