Page:Gorki - La Mère, 1945.djvu/366

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yeux rêveurs ; une méditation paisible se lisait sur son visage pâle.

― Plus tard, quand vous aurez des enfants, je viendrai aussi, pour les soigner. Et nous ne vivrons pas plus mal là-bas qu’ici… Pavel trouvera de l’ouvrage, il est très habile.

Tout en examinant la mère d’un œil scrutateur, Sachenka demanda :

― Vous n’avez pas envie d’aller le rejoindre tout de suite ?

Pélaguée répondit avec un soupir :

― À quoi bon ? Je le gênerais seulement, au cas où il voudrait s’enfuir. Et puis, il ne le permettrait pas…

Sachenka murmura :

― Non, en effet…

― De plus, j’ai du travail, ajouta la mère avec un peu de fierté.

― Oui, c’est vrai ! répliqua Sachenka pensive. Et c’est très bien…

Elle tressaillit soudain, comme si elle se fût débarrassée on ne sait de quel fardeau ; puis, elle dit simplement à mi-voix :

― Il ne se fixera pas en Sibérie… Il s’évadera… c’est certain…

― Mais… alors, que deviendrez-vous ? Et l’enfant, s’il y en a un ?

― Je ne sais pas. Nous verrons. Il ne faudra pas qu’il s’inquiète de moi. Il sera libre de faire ce qu’il voudra, à n’importe quel moment, je ne suis que sa camarade… Je le sais, il me sera terrible de le quitter… mais, je saurai me résigner… Je ne le gênerai en rien, non !

La mère sentit que Sachenka était capable d’exécuter ce qu’elle disait. Pleine de pitié pour la jeune fille, elle la prit dans ses bras :

― Ma chérie… vous aurez bien à souffrir… dit-elle.

Sachenka sourit doucement ; elle se serra contre Pélaguée de tout son corps ; une rougeur monta à ses joues.

― C’est encore bien lointain… mais ne croyez pas que ce soit un sacrifice pénible pour moi… je sais ce que je fais, je sais sur quoi je puis compter… je serai heureuse s’il est heureux avec moi… Mon désir, mon devoir,