Page:Gorki - La Mère, 1945.djvu/388

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— Qu’est-ce que cela ?

— Ah ! coquin !

— Donne-lui en !

— … Ce n’est pas avec du sang qu’on noie la raison !…

On la poussait dans le dos, dans le cou, on la frappait à la tête, à la poitrine ; tout vacillait et s’évanouissait dans le sombre tourbillon des cris, des hurlements, des coups de sifflets. Quelque chose d’épais et d’assourdissant pénétrait dans ses oreilles, remplissait sa gorge et l’étouffait. Le sol s’effondrait sous ses jambes qui ployaient, son corps frémissait sous les brûlures de la douleur ; alourdie, affaiblie, la mère chancelait. Mais elle apercevait autour d’elle des yeux nombreux brillant du feu hardi qu’elle connaissait bien et qui était cher à son cœur.

On la poussa vers la porte.

Elle dégagea une de ses mains, et s’accrocha au montant.

— … On n’éteindra pas la vérité même sous des mers de sang…

On la frappa à la main.

— … Vous n’amasserez que de la rancune, fous que vous êtes ! et cette rancune, cette haine vous submergera !…

Le gendarme la saisit à la gorge d’une étreinte toujours plus violente.

Elle râla :

— Les malheureux…

Quelqu’un lui répondit par un sanglot prolongé.



FIN