Page:Gorki - La Mère, 1945.djvu/39

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

— Je suis trop vieille pour cela… trop ignorante, trop vieille.


…Pavel parlait beaucoup, il discutait avec une ardeur toujours croissante et… maigrissait. Pélaguée croyait remarquer que lorsqu’il causait avec Natacha ou la considérait, son regard sévère s’adoucissait, que sa voix se faisait plus caressante, qu’il devenait plus simple.

— Que Dieu le veuille ! pensait-elle. Et elle souriait à l’idée que Natacha pourrait devenir sa bru.

Lorsque, dans les réunions, les discussions prenaient un caractère trop ardent, le Petit-Russien se levait et, se dandinant comme le battant d’une cloche, il disait de sa voix sonore des paroles claires et simples qui faisaient renaître le calme. Le taciturne Vessoftchikov poussait constamment ses camarades à des actes mal définis ; c’était toujours lui et Samoïlov, le jeune homme roux, qui animaient les discussions. Ils avaient pour partisan Ivan Boukine, le jeune homme à la tête ronde, aux sourcils blancs, et qui semblait délavé par le soleil. Jacob Somov, toujours modeste, propre et bien coiffé, parlait peu et brièvement, d’une voix basse et sérieuse. Avec Fédia Mazine, l’adolescent au grand front, il était toujours du même avis que Pavel et le Petit-Russien.

Parfois, au lieu de Natacha, c’était Nicolas Ivanovitch qui venait de la ville. Il portait des lunettes et avait une petite barbe blonde. Originaire d’une province éloignée, il discourait avec un accent particulier et chantant, sur des thèmes très simples, sur la vie de famille, les enfants, le commerce, la police, le prix de la viande et du pain, sur ce qui est la vie de tous les jours. Et en tout il découvrait des erreurs, de la confusion, des choses stupides, amusantes parfois, mais toujours désavantageuses pour les hommes. Il semblait à la mère que Nicolas Ivanovitch était venu de loin, d’un autre royaume où l’existence était facile et honnête, et que, ici, tout lui était déplaisant. Il avait le teint jaunâtre ; de petites rides rayonnaient autour de ses yeux, sa voix était basse et ses mains toujours chaudes. Quand il saluait la mère Vlassov, il lui entourait la main de ses longs doigts vigoureux, et ce geste soulageait l’âme de Pélaguée.

Il venait encore d’autres personnes de la ville, ainsi une demoiselle à la taille élancée, aux grands yeux, au