Page:Gorki - La Mère, 1945.djvu/72

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— Il dit la vérité, frères ! s’écria Makhotine. Écoutez la vérité !

Et, d’un geste large, il agita son poing fermé.

— Il faut faire venir le directeur immédiatement ! continua Pavel. Il faut lui demander…

Soudain, on eût dit qu’un ouragan avait fondu sur la foule. Elle se courba comme le flot sous la rafale ; quelques dizaines de voix crièrent ensemble :

— Que le directeur vienne !…

— Qu’il s’explique !…

— Amenez-le !…

— Envoyons-lui des députés…

— Non !

Parvenue au premier rang, la mère regardait son fils qui la dominait. Elle se sentait pleine de fierté : Pavel était là au milieu des vieux ouvriers les plus estimés, tout le monde l’écoutait et l’approuvait. Pélaguée admirait son sang-froid, sa simplicité ; il parlait sans se fâcher, ni jurer comme les autres.

Les exclamations, les cris de mécontentement, les invectives pleuvaient comme des grêlons sur un toit de zinc. Pavel regardait la foule et, de ses yeux grands ouverts, il semblait chercher quelque chose parmi les groupes.

— Des députés !

— Que Sizov parle !

— Vlassov !

— Rybine ! Il a des dents terribles !

Enfin, on désigna Pavel, Sizov et Rybine comme porte-parole, et l’on allait faire chercher le directeur quand, soudain, quelques faibles exclamations retentirent.

— Il vient de lui-même !

— Le directeur !

— Ah ! Ah !

La foule s’entr’ouvrait pour laisser passer un personnage grand et sec, visage allongé, la barbe en pointe.

— Permettez ! disait-il en écartant la foule d’un petit geste, mais sans l’effleurer. Il clignait des yeux, et d’un regard de manieur d’hommes expérimenté, scrutait les visages des ouvriers. Ceux-ci s’inclinaient, enlevaient leurs casquettes pour le saluer. Il ne répondait pas à ces marques de respect, il semait le silence et