Page:Gorki - La Mère, 1945.djvu/82

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hôtes qu’elle saurait agir sans être découverte, et elle conclut avec une exclamation triomphante :

— Ils verront que même lorsque Pavel Vlassov est en prison, sa main les atteint… ils verront !

Tous les trois avaient repris courage. Iégor sourit en se frottant vigoureusement les mains et dit :

— Bravo, grand-mère ! Si vous saviez comme c’est bien, c’est tout bonnement ravissant !

— Si vous réussissez, je serai aussi heureux en prison que si j’étais assis dans un fauteuil ! déclara Samoïlov avec le même geste et en riant.

— Vous êtes un trésor, grand-mère ! cria Iégor d’une voix rauque.

Pélaguée sourit. C’était clair : si elle parvenait à introduire des brochures à la fabrique, on comprendrait que ce n’était pas Pavel qui les distribuait. Et, se sentant capable d’accomplir sa tâche, la mère était toute frémissante de joie.

— Quand vous irez faire une visite à Pavel, dites-lui qu’il a une bonne mère ! reprit Iégor.

— Je le verrai avant le jour des visites ! promit Samoïlov en riant.

— Dites-lui bien que je ferai tout ce qu’il faudra faire. Qu’il le sache bien !

— Et si on ne l’arrête pas ? demanda Iégor en désignant Samoïlov.

— Alors que faire ? Il faut se résigner !

Tous se mirent à rire. Quand elle eut compris sa bévue, elle fut aussi égayée, mais un peu gênée.

— Quand on regarde les siens, on voit mal les autres qui sont derrière, dit-elle en baissant les yeux.

— C’est naturel ! s’écria Iégor. À propos de Pavel, ne vous inquiétez pas à son sujet et ne vous attristez pas. Il sortira de prison encore meilleur qu’auparavant. On s’y repose, on s’y instruit, ce que nous n’avons pas le temps de faire quand nous sommes en liberté, nous autres. J’ai été en prison trois fois, sans grand plaisir, mais mon cœur et ma raison en ont chaque fois profité…

— Vous avez de la peine à respirer, dit-elle en le regardant affectueusement.

— Il y a pour cela des raisons spéciales ! répliqua-t-il en levant un doigt en l’air.

— Ainsi donc, c’est entendu, grand-mère… Demain