Page:Gorki - Ma Vie d’enfant.djvu/104

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— Je crois que si ! répondit grand’mère sans ouvrir les yeux. Qu’avez-vous fait de lui ?

— Voyons, pas de sottises ! s’exclama-t-il sévèrement. Suis-je un fauve ? On l’a ligoté et il est sous le hangar. Je l’ai aspergé d’eau… Mais Dieu ! qu’il est méchant ! Comment avons-nous pu donner le jour à une pareille engeance !

Grand’mère se mit à gémir.

— J’ai fait chercher la rebouteuse ; prends patience, exhorta grand-père en s’asseyant à côté d’elle sur le lit. Ils nous feront mourir. Ils nous feront mourir avant l’heure.

— Donne-leur tout.

— Et Varioucha ?

Longtemps, ils parlèrent, elle tout bas et suppliante, lui d’une voix criarde et irritée.

Enfin arriva une petite, vieille bossue dont l’immense bouche allait jusqu’aux oreilles, et dans cette bouche, s’ouvrant comme une gueule de poisson, le nez crochu semblait vouloir pénétrer. La mâchoire inférieure tremblait ; on ne voyait pas ses yeux ; elle ne marchait pas, elle se traînait en s’aidant d’une béquille et portait à la main une sorte de paquet.

Il me sembla que c’était la mort qui entrait ; je m’élançai vers elle en hurlant de toutes mes forces :

— File d’ici !

Grand-père se saisit de moi et, sans façon aucune, il m’emporta au grenier.