Page:Gorki - Ma Vie d’enfant.djvu/110

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Elle vendait des brioches, mais… quelle méchante créature ! Dieu me pardonne de le dire… À quoi bon se rappeler les méchantes gens ? Le Seigneur les voit bien lui-même ; il les voit et le diable les aime !

Et elle riait d’un petit rire cordial ; son nez tremblotait d’une manière un peu ridicule, mais les yeux rayonnants et pensifs semblaient me caresser plus encore que ses paroles.



Je me souviens comme si c’était hier de ce grand événement. Grand’mère et moi nous prenions le thé dans la chambre de grand-père ; le vieillard était souffrant ; il avait enlevé sa blouse et, assis sur son lit, les épaules nues couvertes d’une longue serviette de toilette, il essuyait à chaque instant la sueur qui perlait sur son visage ; il avait le souffle court et rauque. Dans son visage devenu violet, ses yeux verts s’étaient troublés, les petites oreilles pointues surtout étaient écarlates. Quand grand-père tendait la main pour prendre sa tasse, cette main tremblait lamentablement. Il était doux et il ne se ressemblait plus.

— Pourquoi ne me donnes-tu point de sucre ? demanda-t-il à grand’mère, du ton capricieux d’un enfant gâté.

Elle répondit gentiment, mais avec fermeté :

— Prends du miel en guise de sucre, cela vaut mieux…

Il avala rapidement la boisson chaude ; puis, tout haletant et soufflant, il recommanda :