Page:Gorki - Ma Vie d’enfant.djvu/114

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dès que j’y parus, les gamins massés dans le ravin commencèrent à me lancer des pierres et je leur rendis la pareille avec le plus vif plaisir.

— Voilà le voisin ! criaient-ils en m’apercevant, et ils s’armaient à la hâte.

Leurs clameurs ne m’effrayaient pas. Il m’était agréable de me défendre seul contre beaucoup ; de voir l’ennemi fuir et se cacher dans les buissons, pour éviter mes projectiles. Ces combats, d’ailleurs, étaient dépourvus de malveillance et se terminaient presque toujours bien.

J’apprenais à lire avec facilité ; grand-père me considérait avec une attention croissante, me corrigeant moins souvent qu’auparavant, alors, qu’à mon avis, j’aurais dû l’être davantage. Car, en grandissant, je devenais audacieux et j’enfreignais beaucoup plus souvent les ordres et les règlements de mon aïeul, qui se contentait de gronder et de menacer.

Je pensais alors qu’il me fouettait inutilement quand j’étais plus petit et je le lui fis remarquer.

D’une légère chiquenaude au menton, il m’obligea à lever la tête :

— Hein ? s’écria-t-il en clignant de l’œil malicieusement.

Puis avec un rire saccadé, il reprit :

— Ah ! petit hérétique ! Comment peux-tu calculer combien de fois tu as mérité les verges et qui peut le savoir, sinon moi ? Va-t’en, polisson !

Mais aussitôt, il me prit à l’épaule et, me regardant droit dans les yeux, me demanda :

— Es-tu rusé ou bien naïf ?

— Je ne sais pas…