Page:Gorki - Ma Vie d’enfant.djvu/44

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chacun leur propre atelier ; c’est pour cette raison qu’ils le dénigrent et qu’ils essaient de le démolir aux yeux l’un de l’autre, en disant que c’est un mauvais ouvrier. Mais ils mentent, et ils rusent en vain. Ils ont peur aussi que Tziganok ne reste avec grand-père, car grand-père, lui, est autoritaire et, s’il veut ouvrir un troisième atelier avec Tziganok, ce ne sera guère avantageux pour les oncles. Comprends-tu ?

Elle se mit à rire tout bas :

— C’est vraiment cocasse, leurs malices ! comme si grand-père ne s’apercevait pas de tous leurs micmacs ! Aussi se plaît-il à taquiner Mikhaïl et Jacob. « Je vais racheter Tziganok, proclame-t-il souvent, il ne partira pas accomplir son service militaire, car moi-même j’ai besoin de lui. » Et eux, ils sont bien ennuyés, bien gênés, ils regrettent par avance l’argent dépensé, car cela coûte cher, de racheter un homme.

Maintenant, je vivais de nouveau avec grand’mère comme sur le bateau ; tous les soirs, avant de nous endormir, elle me racontait des histoires ou me narrait certains épisodes de sa vie, qui était elle aussi semblable à un conte. Des affaires d’argent de la famille, du partage de la fortune, de l’achat d’une nouvelle demeure pour elle et son mari, elle parlait en riant, comme une étrangère ou une voisine, et non pas comme une personne occupant par rang d’âge la deuxième place dans la maison.

Elle m’apprit que Tziganok était un enfant trouvé ; on l’avait découvert jadis exposé sur un banc, sous un portail, par une nuit pluvieuse de printemps.

— Il était là, enveloppé dans un tablier, contait