Page:Gorki - Ma Vie d’enfant.djvu/56

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— Mon Dieu, mon Dieu ! Comme tout est beau ! Non, mais regardez comme on est bien !

C’était là le cri de son cœur, la devise de sa vie !

Les gémissements et les larmes de mon oncle, si insouciant d’ordinaire, m’avaient profondément étonné ; aussi demandai-je à grand’mère les raisons de son désespoir et pourquoi il s’était injurié et accusé.

— Tu voudrais tout savoir ! grommela-t-elle, contrairement à son habitude. Attends encore, tu es trop jeune pour qu’on te mette au courant de ces affaires-là…

Ma curiosité n’en fut que plus excitée. Je m’en allai à l’atelier où j’interrogeai Tziganok qui refusa de me répondre ; il se contenta de sourire en louchant vers le contremaître, puis m’expulsa de la pièce en criant :

— Va-t’en, laisse-moi tranquille, sinon je te plonge dans le chaudron de teinture.

Debout devant le fourneau large et bas sur lequel trois récipients avaient été fixés avec du ciment, Grigory plongeait tour à tour dans les chaudrons une longue pelle noire qu’il retirait ensuite pour examiner le liquide coloré qui en dégouttait. Le feu flambait vivement et se reflétait sur le bas du tablier de peau, chatoyant comme une chasuble. L’eau sifflait dans les chaudrons, la vapeur caustique s’acheminait vers la porte en nuages épais ; dehors soufflait un petit vent sec.

Le contremaître, par-dessous ses lunettes, me regarda de ses yeux rouges et troubles et, s’adressant brutalement au jeune ouvrier, il réclama :