Page:Gorki - Ma Vie d’enfant.djvu/65

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l’hiver ; il ventait et gelait en même temps ; la neige tombait des toits. Tout le monde s’était rassemblé dans la cour. Grand-père, grand’mère et trois de leurs petits-enfants étaient déjà partis en avant au cimetière pour assister à l’office commémoratif ; quant à moi, j’avais été laissé à la maison en punition de je ne sais quels méfaits.

Les oncles vêtus de pelisses noires absolument pareilles redressèrent la croix dont ils disposèrent les traverses sur leurs épaules ; Grigory, avec l’aide d’un autre ouvrier, souleva à grand’peine le pied pesant qui fut placé sur la large épaule de Tziganok ; le jeune ouvrier chancela sous le fardeau et ses jambes s’écartèrent.

— Pourras-tu la porter ? s’inquiéta Grigory.

— Je ne sais pas. Elle me semble bien lourde…

L’oncle Mikhaïl cria d’un ton irrité :

— Ouvre le portail, diable aveugle !

Et l’oncle Jacob ajouta :

— Tu devrais avoir honte, Tziganok, nous qui ne sommes pas des hercules comme toi…

Mais Grigory, ouvrant toute grande la porte, lui conseilla d’une voix sévère :

— Fais attention, ne va pas te faire mal aux reins. Que Dieu soit avec vous !

— Vieille bête ! lui jeta de la rue en réplique l’oncle Mikhaïl.

Les assistants échangèrent des sourires et chacun se mit à parler très haut comme si tous eussent été satisfaits de la disparition de cette croix.

Grigory m’ayant pris par la main me conduisit à l’atelier tout en me confiant :