Page:Gorki - Ma Vie d’enfant.djvu/79

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passais de nuit devant la maison des Roudolf, la lune brillait ; tout à coup, à cheval sur le toit, je vis un grand diable tout noir et velu qui penchait sa tête cornue sur le tuyau de la cheminée et qui reniflait de toutes ses forces en remuant la queue. Je fis bien vite un signe de croix, en disant : « Que le Seigneur ressuscite et que ses ennemis se dispersent ! » Alors, il a poussé un petit gémissement et a glissé, roulant du toit jusque dans la cour où il s’est anéanti. Les Roudolf n’avaient probablement pas fait maigre ce jour-là ; c’est pour cette raison que le diable reniflait et se réjouissait…

Je riais en me représentant la culbute du démon ; grand’mère riait aussi et continuait :

— Comme les petits enfants, ils sont très espiègles. Certain soir, que je lavais du linge à la buanderie, voilà, sur le coup de minuit, que s’ouvre brusquement le portillon du fourneau et une quantité incroyable de diablotins en sortent ; tous étaient de très petite taille et il y en avait qui étaient rouges, d’autres verts, d’autres encore noirs comme des blattes. Immédiatement, je veux me précipiter vers la porte, mais impossible d’y parvenir ; j’étais entourée de démons ; la chambre à lessive en était pleine ; je ne pouvais plus me retourner : ils se mettaient sous mes pieds, me tiraillaient, me houspillaient, si bien que je ne pouvais même plus souffler ! Ils étaient velus, chauds, et leur pelage, au toucher, était doux comme la fourrure d’un chat ; seulement, tous marchaient sur leurs pattes de derrière. Ils s’amusaient, ils couraient, ils montraient leurs dents de souris, leurs petits yeux verts scintil-