Page:Gorki - Ma Vie d’enfant.djvu/78

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il était fatigué, il se reposait et recommençait ensuite. Il m’a frappée avec des rênes, des cordes, et tout ce qui lui est tombé sous la main.

— Qu’avais-tu fait ?

— Je ne me rappelle pas. À la suite d’une autre correction, je suis restée à moitié morte et, pendant cinq jours et cinq nuits, il ne m’a rien donné à manger. Je ne sais pas comment j’ai pu en réchapper. Et une autre fois…

J’étais si étonné que j’en perdis la parole : grand’mère était beaucoup plus grande et plus grosse que grand-père ; comment croire qu’il avait pu la terrasser ?

— Est-il donc plus fort que toi ?

— Non, mais il est plus âgé. Et puis, c’est lui qui est le mari. C’est lui qui doit répondre de moi devant Dieu ; mon devoir est de tout supporter…

J’aimais beaucoup à voir mon aïeule époussetant les images saintes et nettoyant les garnitures de métal. Les images étaient somptueuses, ornées de perles et de plaques d’argent ; les couronnes des saints étincelaient, toutes incrustées de pierres chatoyantes. Grand’mère prenait une icône entre ses mains adroites, souriait et disait avec attendrissement :

— Quelle gentille figure !…

Et elle baisait l’image en se signant.

Il me semblait parfois que grand’mère jouait avec les icônes tout aussi sérieusement et sincèrement que ma cousine Catherine avec ses poupées.

Très souvent, elle voyait le diable, seul ou en compagnie.

— Une fois, racontait-elle, pendant le carême, je