Page:Gorki - Ma Vie d’enfant.djvu/85

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hochait la tête, courbait le dos et portait à bras tendus une énorme bonbonne pleine d’acide.

— Père, fais sortir les chevaux ! ordonna-t-elle en toussant et en râlant. Enlevez-moi cette housse, vous ne voyez donc pas qu’elle flambe ?

Grigory lui arracha des épaules la housse qui brûlait en effet ; et, se courbant en deux, il se mit à lancer à l’intérieur de l’atelier de grandes pelletées de neige. L’oncle sautillait autour de lui, une hache à la main ; grand-père jetait de la neige sur sa femme qui, après avoir mis la bonbonne en sûreté, se précipita sur le portail. Elle l’ouvrit et, saluant les gens qui accouraient de toutes parts, elle leur dit :

— C’est le hangar qu’il faut protéger, voisins ! Si le feu atteint le hangar et le fenil, tous nos bâtiments grilleront et ceux du voisinage aussi ! Abattez le toit et jetez le foin dans le jardin. Grigory, lance plus haut ; inutile d’entasser la neige par terre ! Jacob, ne perds pas de temps, donne des haches et des pelles à tout le monde ! Voisins, venez à notre aide, que Dieu soit avec nous !

Grand’mère était aussi intéressante que l’incendie ; toute noire et éclairée par la flamme qui semblait la pourchasser, elle allait et venait dans la cour ; elle était partout, elle voyait tout, elle dirigeait tout.

Charap, le cheval, survint au galop ; il se redressa sur ses pieds de derrière et le feu donna dans ses grands yeux qui lancèrent un éclair rouge. Alors l’animal, reposant les sabots à terre, se mit à hennir et grand-père, affolé, lâchant la bride, fit un bond de côté et cria :

— Mère, retiens-le !