Page:Gorki - Ma Vie d’enfant.djvu/84

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fleurs rouges s’épanouissaient sans dégager de fumée.

Très haut seulement au-dessus d’elles vacillait un nuage blanchâtre qui, néanmoins, laissait transparaître le torrent argenté de la voie lactée. La neige scintillait avec des reflets pourprés ; les murs des bâtisses tremblaient, chancelaient, comme pour se diriger vers le coin de la cour où le feu jouait gaîment, enluminant de rouge les larges fissures qui s’ouvraient dans les cloisons de l’atelier. Sur les planches sèches et noires du toit, des rubans d’or et de pourpre s’enroulaient et se tordaient ; isolée au milieu de leurs volutes, une mince cheminée d’argile se dressait, criarde ; de légers craquements, comme des frou-frous de soie, venaient battre les vitres ; le feu s’étendait toujours ; l’atelier, qu’il dévorait complètement, me semblait pareil à l’iconostase de l’église et m’attirait sans que je pusse résister à son appel.

Jetant sur mes épaules une lourde pelisse, j’enfilai des bottes appartenant à je ne sais qui ; puis je me traînai du corridor jusqu’au perron où je restai stupéfait ; la clarté du feu m’aveuglait, j’étais assourdi par les craquements et par les cris de grand-père, de Grigory et des oncles, effrayé de la conduite de grand’mère : coiffée d’un sac vide, enveloppée dans une housse, la bonne aïeule courait vers l’atelier en flammes et y pénétrait en clamant :

— L’acide, imbéciles ! L’acide qui va faire explosion !

— Grigory, pleurnichait grand-père, retiens-la, sinon elle est perdue !

Mais grand’mère revenait déjà, toute fumante ; elle