Page:Gorki - Ma Vie d’enfant.djvu/91

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— Donnez-lui de l’huile de la lampe éternelle, avec du rhum et de la suie : un demi-verre de rhum, un demi-verre d’huile et une cuillerée à soupe de suie…

L’oncle Mikhaïl suppliait obstinément :

— Laissez-moi voir…

Il était assis par terre, les jambes écartées, les mains traînant sur le plancher. La chaleur devenant insupportable, je descendis du poêle ; mais lorsque j’arrivai à sa hauteur, il me tira par la jambe et je tombai sur la nuque.

— Imbécile ! m’écriai-je.

Instantanément il sauta sur ses pieds, me saisit de nouveau et se mit à rugir en me secouant :

— Je vais te casser la tête contre le poêle !

Quand je revins à moi, j’étais au salon, dans le coin des images saintes, sur les genoux de grand-père ; les yeux levés au plafond, il me berçait et murmurait :

— Nous n’avons point d’excuses, ni les uns, ni les autres…

Au-dessus de sa tête, la lampe éternelle brillait ; sur la table, au milieu de la pièce, une chandelle était allumée ; le matin trouble d’automne apparaissait déjà derrière la fenêtre.

Grand-père demanda en se penchant vers moi :

— Où as-tu mal ?

J’avais mal partout ; ma tête était mouillée, mon corps pesant, mais je ne voulais rien dire ; tout me semblait si bizarre : les chaises étaient presque toutes occupées par des gens inconnus ; le prêtre en robe violette était là, avec un petit vieux à cheveux blancs