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trueve matere[1][* 1]. [F° 34 b] Soit en genz ou en bestes, touz jourz est ses afaires genz, comme cele[2] qui riens ne fait qui de riens soit contraire a Dieu. Et la ou matere[3] defaut, si laisse a ouvrer ; et que plus y a matere, et plus œuvre[4] ; si comme l’en voit d’aucunes bestes, dont les unes naissent [5] a ·ii· testes ou a ·vi· piez ou a ·i· mambre mains qu’il ne doit[6] avoir et que sa fourme ne li remambre[7]. Aussi en [F° 34 c] voit l’en de tels souventes foiz qui sont presque tout failli ; et li autre[8] sont plenteureus et habondant de[9] leur fruit. Tout ausi revoit l’en souvent[10] avenir a aucunes genz[11] que, quant il naissent, il naissent a tout[12] ·vi· doiz en une main, et les autres a ·i·, ou a ·ii·, on a ·iii· mains[13] ; ou il leur faut ·i· mambre tout entier, dont il valent pis, selonc ce qui apartient au monde. Et en un autre ra si grant habondance [F° 34 d] de matere en cors ou en membre[14], autre chose que fourme[15] humaine n’i met[16]. Car[17] il li faut ou piez ou mains ; ou[18] il naist souvent a moins ou a plus[19] ; ou il a une jambe ou ·i· braz, l’un plus lonc que l’autre.

Si ravient a ·i· autre autre chose : Car li uns est noirs et li autres est blans ; li uns est granz et li autres petiz. Li uns devient preudoume[20] et sage, et li autres fouls et mauvais ; li uns se tient sages [F° 35 a] en sa jœnnesce[21], et en sa vielliesce[22] devient fouls. Li uns est sages vielz[23] et juenes, et li autres est fouls toute sa vie, et juene et vieill. Les uns sont cras et les autres sont maigres. Les uns sont malingeus et les autres santeis[24]. Les uns sont grelles[25], les autres si sont gros[26]. Les uns sont[27] vistes, les autres moulz[28] et lasches. Les uns sont tardis, les autres hastis. Les uns sont hardiz, les autres sont couarz. Les uns sont boi-[F° 35 b]teus, les autres sont boçuz, et les autres sont bien faiz en touz endroiz. Uns granz hons est souvent mal faiz, et uns petiz est bien faiz et bien avenanz. Car il n’a mambre[29] qui ne soit a[30] sa droite taille, tant comme il apartient a son[31] cors. Uns biaus enfes devient souvent laiz, et li laiz devient souvent [32] biaus. Li uns veult moult avoir de ses voulentez[33] et li autres en veult pou. Chascuns a son talent et a son apetit. Uns petiz hons engendre sou-[F° 35 c]ventes foiz ·i· grant[34], et uns bien granz souvent ·i· petit. Uns

  1. — B : matiere ; A : mate’.
  2. — B : genz ses afaires, comme celle.
  3. — B : matiere.
  4. — B : oevre.
  5. — A : laissent.
  6. — A : « qu’il ne doit » répété deux fois.
  7. — B : remembre.
  8. — B : autres.
  9. — A : et.
  10. — B : souventes foiz.
  11. — B : aucune gent.
  12. — B : touz.
  13. — B : moins.
  14. — B : mambre.
  15. — B : forme.
  16. — A : iumet.
  17. — B : Ou.
  18. — B : Car.
  19. — B : a plus ou a moins.
  20. — B : preudomme.
  21. — B : jonnesce.
  22. — B : vieillesce.
  23. — B : vieulz.
  24. — B : santeys.
  25. — B : grailles.
  26. — A : grox.
  27. — B et N : « sont » manque.
  28. — B : mouls.
  29. — B : membre.
  30. — B et N : de.
  31. — B : sont ; N : son.
  32. — A : « laiz, et li laiz devient souvent » manque.
  33. — B : volentez.
  34. — B : .i. grant homme.
  1. * L’orthographe ordinaire du ms. A est « matire » (f° 26 passim). Seule la position de l’abréviation fait supposer une forme « matere », forme bien connue en angln., et que nous retrouvons dans f° 34 b. Nous mettons donc « matere ».