Page:Gouges - L Homme genereux.pdf/24

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dans ce moment eſt malheureux. Il a l’ame ſenſible, & ne pouvant porter remede à leurs maux…

Le jeune Montalais, l’interrompant.

Hélas ! vous dites ce que j’éprouve ; ce ſont les peines des autres qui font le malheur de ma vie.

[En pleurant].

J’en ai l’ame déchirée.

Le Comte.

Il eſt beau d’avoir le cœur ſenſible : mais lorſqu’on ne peut ſoulager les maux d’autrui, il faut ſavoir mettre des bornes à ſa ſenſibilité. Si c’étoit pour un pere ou pour une mere, je ne pourrois blâmer votre affliction.

Le jeune Montalais, attendri.

Ah, Monſieur, ſi vous ſaviez…

La Fontaine, l’interrompant & bas.

Que faites-vous, vous allez vous perdre ?

Le jeune Montalais, à part, en regardant la Fontaine.

Quelle contrainte affreuſe !

[Haut au Comte].

Ô le meilleur des hommes ! Monſieur, mon protecteur ; que ne puis-je vous reveler tous mes chagrins ? Je me retire, & vous laiſſe avec mon premier bienfaiteur ; il connoît ma poſition, & mieux que moi il pourra vous inſtruire de ce qui m’afflige.

[Il ſort, le Comte le regarde en aller].