Page:Gourmont - Le IIme Livre des masques, 1898.djvu/177

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épaves que les naufrages roulent dans des langes éternels. Tête d’or fut mis à la mer un jour par un homme qui écrivit en français avec génie, il y a sept ou huit ans, et qui depuis s’est tu.


Je la prendrai par les épaules et toi par les pieds.

(Ils soulèvent le corps.)

Pas ainsi ! Qu’elle repose la face contre le fond.

(Ils la descendent dans la fosse.)

Cébès
Qu’elle repose.
Simon
Va dans la fosse où tu ne recevras pas la pluie !


C’est avec cette simplicité grandiose qu’un homme enterre son amour. L’œil de celui qui regarde est au niveau de la douleur humaine, un peu plus haut : alors, tout s’exalte et les mots pleurent avec sérénité. Ce qui disparaît était tout, mais n’est plus rien : une femme, les nuits vécues, les fleurs vues ensemble, la vie écoulée comme du sable d’une main dans une main, enfants ! le jeu est le jeu et la mort est la mort, mais pas davantage.


Écoute ceci que mourante elle serrait ma main sur sa joue
Et me la baisait, fixant sur moi ses yeux.
Et elle disait qu’elle pourrait me chanter des présages.
Comme une vieille barque arrivée à la fin de la mer…
… Ma fortune féminine ! Mon amour